Marc Seguin a été un précurseur de la révolution industrielle (ponts suspendus, chaudière tubulaire, chemin de fer). En contraste avec beaucoup de ses contemporains, est intervenu dans de nombreux domaines et disciplines (théorie scientifique, innovation, astronomie, enseignement, etc). En outre il pratique une démarche qui se compare aux procédés actuels de créativité, y compris le design thinking.
Deux facteurs expliquent cette diversité et cette démarche. D’une part, l’adolescent Marc Seguin va passer trois ans auprès de son grand-oncle Joseph de Montgolfier. Cet esprit brillant a inventé (avec son frère Etienne) l’aérostat et s’installe à Paris où il est reçu à l’Académie des Sciences, enseigne aux Arts et Métiers et fait partie de la fameuse loge des « neuf sœurs » où il fréquente Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et beaucoup d’autres savants et artistes de ce temps révolutionnaire. Il est aussi le mentor de jeunes annonéens envoyés à Paris pour parfaire leur éducation. Il porte une attention particulière au jeune Marc dont il discerne les talents. Il sait que Marc ne pourra pas poursuivre des études à Paris pour des raisons familiales et lui transmet une solide base scientifique fondée sur les principes des Lumières ( observation, raison et science) sans oublier son admiration pour Newton.
De retour à Annonay, Marc Seguin va vite être identifié comme un sujet exceptionnel. Il complète sa formation scientifique et technique. Il crée un atelier pour expérimenter ainsi qu’un premier observatoire astronomique. La richesse de l’écosystème d’Annonay à cette époque est un environnement idéal pour développer sa curiosité et son intuition et lui permet à répondre à une grande diversité de demandes qui l’habituent à intervenir dans de nombreux domaines. Il le fait en recourant à l’observation, l’imagination, l’autoformation, le prototypage et l’essai, sans oublier de s ’entourer d’avis de personnes expérimentées. Et en prêtant attention très naturellement aux besoins sociétaux de son époque, petits et grands, universels ou domestiques.
C’est cette démarche qu’il va poursuivre pour entreprendre des projets aussi innovants et importants que sont les ponts suspendus par câble (1825), la navigation sur le Rhône, la chaudière tubulaire ( qui équipera la « Rocket » de George Stephenson) (1827) ou encore la construction de la première ligne de chemin de fer moderne sur la continent européen (1832), projets qui lui valent d’être considéré comme un précurseur de la révolution industrielle en France. Mais aussi pour aborder plus tard des projets sociétaux (immeubles sociaux, établissements de soins de suite, entreprises pour retraités), ce qui l’amènera tout aussi naturellement à s’intéresser à la transmission.
En cela il se rapproche de ses confrères anglais et américains ( « les civil engineers ») . Il est un « ingénieur-entrepreneur » qui considère d’abord le monde qui l’entoure et développe une démarche de travail et des solutions ad hoc. Son approche pratique soutenue par une recherche scientifique ou technique ciblée qui répond à une demande ou un besoin sociétal est proche de ce qu’on appelle aujourd’hui le design thinking. Une méthode de travail qui devient un art de vie. Très loin de la méthode abstraite fondée sur les mathématiques des grandes écoles et des grands corps de l’État.
Cette approche créative est inspirante. Observation des usages, sens de l’entreprise, souci de l’utilité sociale, recours à la connaissance et aux réseaux pour trouver l’information pertinente, expérimentation sont sur son tableau de bord. Autant de thèmes qui résonnent avec l’innovation du XXIème siècle et autant de facteurs de créativité.
En 1860, à 75 ans, il va faire mieux. Il va « incarner » son approche du monde et sa démarche créatrice dans Varagnes: il n’est plus entrepreneur mais veut continuer à se saisir des enjeux scientifiques et sociétaux de l’époque qui l’intéressent, poursuivre recherche, création et transmission à sa guise et le faire avec la démarche qui a été la sienne toute sa vie. Il crée Varagnes à cette fin. Une démarche unique qui engendre un lieu unique.
Il va « équiper » Varagnes en conséquence : revues, livres, archives, instruments scientifiques, matériel artistique, observatoire, salle d’essai, atelier de mécanique, de chimie, menuiserie, forge et aussi salle de classe pour transmettre. (voir le chapitre « En savoir plus sur Varagnes »)
Ses descendants ne seront pas de reste en matière de créativité. L’un de ses fils, Augustin, qui hérite de Varagnes, augmente le spectre de la curiosité familiale à la création artistique. Augustin était à la fois ingénieur, entrepreneur, innovateur et artiste. Varagnes témoigne de ses dons : peintures et sculptures, décoration de l’intérieur de la serre, abside de la chapelle etc. Il a entretenu des contacts étroits avec l’École des Beaux-Arts de Lyon, en même temps qu’il discutait optique, photographie et acoustique avec Louis Lumière qui venait à Varagnes. Augustin dirige de 1866 jusqu’à la fin du siècle les Chantiers de la Buire, un conglomérat à la mesure de sa curiosité intellectuelle qui va produire des wagons de chemin de fer, turbines électriques, tramways, voitures, métiers à tisser, lunettes astronomiques etc . Avec Augustin, l’art croise la science.
Son fils Marc va utiliser ses études sur la photographie pour développer la radiologie et équiper l’hôpital d’Annonay.
Un autre fils, Louis, crée la société Gnome, aujourd’hui Safran, et développe avec son frère Laurent le moteur d’avion rotatif, une innovation clé dans l’histoire de l’aéronautique . Leur frère Tintin va déposer plus de 65 brevets et sera un aviateur émérite.
L’une des filles d’Augustin, Rose, fut un peintre de talent et un autre fils, Joseph fut un poète très original qui contribua à introduire le Haï Kai en France au début du XXème siècle et consacra l’un ses livres en Haï Kaï à la guerre 14-18. L’un de ses petits-fils, Raoul de Warren, était historien et romancier. L’atelier d’artiste conserve de nombreux témoignages des œuvres des membres de la famille.
Et la liste n’est pas exhaustive !
Quelques dates clés des innovations et entreprises Seguin sont illustrées ci dessous.
Pont Tain-Tournon
Pont suspendu par câble de Marc Seguin
Marc Seguin mit au pont les premiers ponts modernes suspendus par câble. Le premier fut inauguré le 25 août 1825 entre Tain et Tournon.
Gravure
Chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon
En 1826, Les frères Seguin – Marc, Camille, Paul, Charles et Jules – décident d’étudier la création dune ligne de chemine de fer entre le bassin houiller de Saint- Étienne et la ville de Lyon. En 1832, la ligne est ouverte dans sa totalité. Elle est la première ligne de chemin de fer moderne en Europe continentale.
par Marc Seguin aîné
De l’influence des chemins de fer et de l’art de les tracer et de les conduire
Exposition Paris 2012
La Locomotive Seguin à Chaudière Tubulaire
La locomotive de Marc Seguin fit ses premiers tours de roue en 1829. Elle met en oeuvre le principe de la chaudière tubulaire, invention décisive déposée par Marc Seguin en 1827. Elle augmente le rendement de la chaudière et la rend beaucoup plus puissante, ouvrant la voie à l’utilisation de la vapeur en tant que puissance mécanique. Elle permet à George Stephenson de gagner le concours de Rainhill!
Automobile Buire
Fondés en 1847, les Chantiers de la Buire sont une entreprise singulière et importante de Lyon, dont Augustin Seguin assura la direction de 1866 jusqu’à la fin du siècle. D’abord spécialisé dans la construction de matériels roulants, Augustin développe un conglomérat produisant toutes sortes d’équipements et de matériels électriques (turbines, tramways) puis des automobiles. Il se diversifia aussi dans des construction particulières comme les métiers à tisser ou les lunettes astronomiques.
Colombes
Gnome et Rhône
Louis Seguin, à 26 ans, avait ouvert dès 1895 une usine de moteurs industriels à Gennevilliers. Il s’intéresse d’abord aux moteurs pour bateaux, puis pour automobiles. En 1905, il fonde la Société du moteur Gnôme et développe le moteur d’aviation rotatif avec soin frère Laurent. Le 12 janvier 1915, la société Gnome absorbe la société Le Rhône pour former la « Société des moteurs Gnome et Rhône » qui produit 25 000 moteurs, plus 75 000 sous licence, pendant la Première Guerre mondiale. G&R est alors e premier constructeur mondial de moteurs d’avions. Cette société s’appelle aujourd’hui Safran.
Exposition au 1er meeting mondial d'aviation, à Reims (1909)
Moteur Rotatif Gnome (modèle Oméga)
Louis et Laurent Seguin commencent fin 1907 l’étude du 1er moteur rotatif spécialement conçu pour l’aviation. Il est opérationnel en 1908 et participe à de nombreux records de vitesse et de distance. Très fiable, il ouvre la voie à l’aéronautique moderne. Il sera la plus moteur le plus fabriqué pendant la première guerre mondiale.
Sur la famille Seguin, voir le site www.art-et-histoire.com
Sur Marc Seguin, voir les livres suivants :
De nombreux sites sont consacrés à Marc Seguin, notamment Wikipedia.
Sur La Compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon
Voir la page Wikipedia dédiée: ici
Sur Louis et Laurent Seguin, voir Wikipedia « Louis Seguin » « Moteurs Gnome » « Safran » et les autres sites et articles qui y sont mentionnés
Voir aussi « J’ai vu naitre l’aviation » de Henri Fabre
Sur Joseph Seguin
“En pleine figure. Haïkus de la guerre 14-18”, anthologie établie par Dominique Chipot, Editions Bruno Doucey, Paris, 2013.
Enregistrement de la biographie de Joseph écrite par Geneviève Besson, sa fille
“En pleine figure. Haïkus de la guerre 14-18”, anthologie établie par Dominique Chipot, Editions Bruno Doucey, Paris, 2013.
Sur Rose Seguin Bechetoille
A venir…
Sur Raoul de Warren
Voir la bibliographie aux éditions de L’Herne
Sur les Mangini, voir les Collections de Varagnes ( dans le chapitre « En savoir plus sur Varagnes ») et « Les voies des Mangini , entrepreneurs humanistes lyonnais » par Laurence Duran Jaillard. Libel Lyon. 2018
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